XIII
QU’ILS N’OUBLIENT JAMAIS

John Urquhart, second de la Walkyrie, s’arrêta à la porte de coupée pour reprendre son souffle. Il avait sous les yeux la frégate américaine qu’ils avaient capturée, le Succès. Le vent avait légèrement forci, assez cependant pour la faire plonger et partir à l’embardée. L’équipage de prise réduit se débattait pour la garder sous contrôle.

Il observait le spectacle de la dunette, tout était en ordre et presque tranquille. La dunette de ce vaisseau à bord duquel il avait embarqué depuis quatre ans. Les aspirants le regardaient avec curiosité, mais respect aussi. Ils lui rappelaient ainsi, s’il en était besoin, que sa tenue était négligée. Il leva la tête vers le ciel, bleu clair, délavé et brumeux comme l’océan sous un soleil noyé.

Il aperçut Adam Bolitho en grande conversation avec Ritchie, le maître pilote. Ritchie avait été assez grièvement blessé lors de leur premier engagement avec l’USS Unité, lorsque des éclis avaient rendu l’amiral presque aveugle. Le commandant d’alors avait perdu son sang-froid. Une journée que John Urquhart n’oublierait jamais. Ni Ritchie, fauché par des morceaux de métal : c’était miracle qu’il ait survécu. C’était un pilote de la vieille école, solide et infatigable. Il essayait de ne pas trop laisser paraître sa souffrance et refusait de reconnaître qu’il boitait très bas, comme si, en quelque sorte, ce déni allait le guérir.

Urquhart salua la dunette. Des hommes comme Ritchie, on en trouvait à la pelle dans tous les ports anglais.

Adam Bolitho sourit.

— Dure virée, pas vrai ?

Urquhart acquiesça. Trois jours qu’ils avaient quitté Halifax, et ils n’avaient parcouru que cinq cents milles. Les vents étaient contraires, la tempête menaçait : ce n’était pas le moment de se montrer négligent, surtout de la part d’un commandant. Mais, depuis qu’Urquhart avait quitté la Walkyrie pour prendre le commandement de leur prise en piteux état, le commandant, lui, semblait avoir changé. Il était presque chaleureux. Urquhart lui dit :

— J’ai fait actionner les pompes sans interruption, commandant. Il est bien construit, comme la plupart des bâtiments français, mais côté pourriture, c’est quelque chose. Le vieil Indom lui a donné plus que sa dose, si vous me permettez.

— Nous allons laisser le Succès abattre d’un rhumb ou deux, répondit Adam. Cela lui permettra de se soulager.

Il regardait la mer par le travers, pareille à un damier mouvant de vert clair et de bleu ; elle avait un aspect presque laiteux, la surface se striait çà et là sous les rafales de vent de nordet qui tendaient les voiles et les faisaient résonner comme des tambours. On aurait pu croire qu’il y avait peu de fond, et les algues qui dérivaient dans le courant accentuaient encore cette impression. Il sourit. Il y avait trois mille brasses sous la quille dans ces parages, c’est du moins ce que prétendaient les cartes, même si personne n’en savait rien.

Il vit les voiles de la seconde frégate se tendre et se gonfler dans une risée.

— Nous la prendrons en remorque demain, monsieur Urquhart. Cela va nous ralentir, mais au moins nous resterons ensemble.

Il vit qu’Urquhart se retournait et entendit l’aide de camp arriver sur le pont d’un pas vif. De Courcey se tenait à l’écart ; en fait, c’est probablement Keen qui lui avait dit de le faire. Mais apprendrait-il quelque chose de cette traversée ? Son avenir paraissait déjà assuré.

De Courcey salua, jetant au passage un regard réprobateur à la tenue débraillée d’Urquhart.

— Tout se passe bien ?

Et, à l’intention d’Adam :

— Cela prend plus de temps que prévu, commandant ?

Adam lui montra les filets.

— Par ici, monsieur de Courcey, voilà où se trouve l’ennemi. En fait, Mr Ritchie soutient que nous sommes dans l’est de la baie de la Chesapeake. Et naturellement, je suis bien obligé de le croire.

Urquhart surprit le petit sourire de conspirateur du maître pilote. C’était un vrai plaisir, que le commandant parvienne enfin à plaisanter avec lui. Ils savaient tous que le capitaine de vaisseau Adam Bolitho était l’un des meilleurs commandants de frégate de la Flotte et le neveu de l’amiral le plus aimé et le plus respecté qui soit, mais ils ne connaissaient pas l’homme qui se cachait derrière tout cela. Urquhart surprit également le regard de l’aide de camp, en alerte. Cela l’amusa : il s’attendait sans doute à voir la côte.

— Monsieur de Courcey, lui dit Adam, nous en sommes à deux cents milles.

Mais il leva les yeux en entendant la flamme claquer comme un fouet.

Urquhart se demandait si la marque de contre-amiral en tête de mât lui manquait, ou s’il savourait son indépendance retrouvée, si limitée fut-elle.

La veille, les visites avaient signalé deux voiles modestes dans le suroît. Il leur avait été impossible d’abandonner le Succès dans l’état où il était pour leur donner la chasse. Ces navires inconnus pouvaient donc être tout et n’importe quoi ; des caboteurs qui, pour gagner leur vie, couraient le risque de rencontrer des croisières anglaises, ou l’ennemi en reconnaissance. Si le commandant s’en inquiétait, il ne le montrait pas.

De Courcey dit brusquement :

— Seulement deux cents milles, commandant ? Je pensais que nous étions plus près des Bermudes.

Adam, tout sourire, lui posa doucement la main sur le bras, geste qu’Urquhart ne l’avait jamais vu faire.

— Monsieur de Courcey, les gens du Nord-Est sont amis, mais de qui, je vous le demande.

Et, se tournant vers Urquhart sans plus se préoccuper des autres :

— Nous passerons une remorque demain dès l’aube. Ensuite…

Il laissa la fin de sa phrase en suspens. Urquhart le regarda se diriger vers le maître pilote. Il était si sûr de lui. Comment était-ce possible ? Qu’est-ce qui l’en rendait capable ? Il songea à ses deux commandants précédents : Trevenen, impitoyable et sarcastique, qui avait failli en face du danger avant de disparaître par-dessus bord sans laisser de trace, et le capitaine de vaisseau Peter Dawes, commodore par intérim, obnubilé par sa promotion. Chaque faute commise retombait immanquablement sur les épaules du second et Urquhart s’était promis de ne plus jamais faire une confiance aveugle à un commandant, pour sa propre sauvegarde. Personne d’autre ne se soucierait de ce qui lui arrivait.

De Courcey laissa tomber :

— Je me demande ce qu’il pense vraiment…

Voyant qu’Urquhart gardait le silence, il insista :

— Il nous fait tous travailler comme des possédés, et lorsqu’il a une minute à lui, il va s’installer à l’arrière pour apprendre à écrire à ce moussaillon ! – il eut un petit rire. Si c’est réellement ce qu’il fait !

Urquhart lui dit lentement :

— On prétend que le capitaine de vaisseau Bolitho est une fine lame et qu’il manie tout aussi bien le pistolet, monsieur de Courcey. Je vous suggère de ne rien faire qui puisse favoriser ou encourager le scandale. Cela pourrait signer votre fin, et de plus d’une façon.

Adam revint, le front soucieux.

— Puis-je vous prier de souper avec moi, John ? Je ne pense pas que la valeur du Succès excède celle de ses membrures !

La figure d’Urquhart s’éclaira d’un large sourire.

— Ce serait bien volontiers, commandant, mais êtes-vous sûr que ce soit raisonnable ?

— Sûr et certain. Ils ont absolument besoin de l’avantage du vent. Quant à nous, qui devrions nous battre le dos à la côte, il sera bien temps à l’aube – il le regardait attentivement. Si je me trompe, nous ne serons pas en moins bonne posture.

L’espace d’une seconde, Urquhart vit l’homme qu’il venait de décrire à de Courcey. Il imaginait sans peine ces yeux calmes, qui ne cillaient pas face au canon d’un pistolet, dans quelque clairière déserte à l’aube, ou en essuyant le fil de son sabre préféré. Et cela le rendit heureux.

Adam reprit négligemment :

— Lorsque nous en aurons fini et que nous pourrons retourner à nos affaires, j’ai l’intention de vous proposer pour une promotion.

Urquhart était totalement pris au dépourvu.

— Mais, commandant, je ne crois pas… je suis très heureux de servir sous vos ordres…

— Il suffit, répondit Bolitho en levant le bras non sans une certaine emphase. Ne dites jamais ça, John. N’ayez jamais cette idée.

Il leva les yeux vers le ciel et le grand perroquet bien gonflé qui frémissait.

— Un jour, mon oncle m’a parlé de son premier commandement comme du plus beau cadeau qui soit. Mais c’est bien plus que cela – son regard se fit plus dur. C’est la raison pour laquelle je me méfie de ceux qui trahissent un tel privilège.

Puis son humeur sembla se radoucir.

— A midi, donc. Demain, nous sommes vendredi, n’est-ce pas ?

Il sourit et Urquhart se demanda s’il n’y avait pas une femme dans sa vie.

— Demain, nous porterons le toast suivant : Un adversaire déterminé et assez d’eau.

Ce soir-là, le vent recommença à forcir, avant d’adonner au nordet quart nord. Urquhart retourna à bord du Succès et n’avait pas fait la moitié de la traversée qu’il était trempé par les embruns.

Mais bon, cela le laissait indifférent. Le décor était en place. Et il était prêt.

 

Le capitaine de vaisseau Adam Bolitho traversa la toile en damier noir et blanc pour jeter un œil à travers les hautes fenêtres de poupe. Le vent s’était calmé pendant la nuit, mais se faisait encore sentir ; de brèves rafales violentes faisaient monter des gerbes d’embruns bien au-dessus du bâtiment. L’eau redescendait des voiles en ruisselant, comme s’il pleuvait.

Il apercevait la silhouette indistincte de l’autre frégate, déformée par la croûte de sel déposée sur les vitres. Elle se retrouvait sous une incidence telle qu’on l’aurait cru désemparée, à la dérive.

A l’aube, le passage de la remorque avait été difficile et ils avaient dû faire confiance à tout leur talent de manœuvrier. Comme disait Evan Jones, le bosco : « De la force brute et une ignorance crasse. » Mais ils y étaient arrivés. Maintenant, faisant de grandes embardées à chaque bourrasque, le Succès se débattait au bout de sa remorque comme un animal que l’on mène à l’abattoir.

Il entendit huit coups piqués à la cloche du gaillard d’avant, ce qui le décida à quitter les fenêtres. Il jeta un coup d’œil circulaire sur la grand-chambre. Les appartements de Keen ; il s’attendait presque à le voir là, installé à sa table où il avait étalé sa carte à portée de main, pour que Ritchie et ses officiers ne soient pas témoins de son inquiétude qui croissait à chaque heure. Il se pencha sur la table et posa la main sur les côtes américaines. Il avait vu son oncle le faire, prendre la mer entre ses mains, transformant ses idées en actes. Nous nous ressemblons tant, par de nombreux aspects. Mais pour les autres…

Il se redressa et leva la tête vers la claire-voie en entendant des rires. Urquhart avait tenu sa langue. Les autres devinaient peut-être vaguement ses intentions, mais ils n’en savaient pas plus. Et ils étaient capables de rire. On racontait que, lorsque Trevenen commandait, il ne supportait pas le moindre bruit. Un simple éclat de rire était pris comme de l’insubordination, voire pis.

Il songeait au livre de poésie que Keen lui avait donné, ici même, dans cette chambre. Il était convaincu qu’il ne se souvenait plus guère de la femme qui l’avait possédé et qu’il ignorait la douleur que ce livre avait fait naître en lui. Et c’est ici, aussi, qu’il avait aperçu la miniature que Gilia Saint-Clair avait destinée à un autre être aimé.

Des voix se firent entendre sur la dunette et il crut un instant qu’il s’agissait de la vigie. Mais ce n’était qu’une autre équipe qui travaillait à des travaux d’épissure, de couture, de réparations diverses : le lot habituel du marin.

La porte s’ouvrit, le jeune John Whitmarsh entra et resta planté là sans rien dire.

— Qu’y a-t-il ? lui demanda Adam.

— Vous n’avez pas touché à votre déjeuner, commandant. Le café est froid.

Adam alla s’asseoir dans l’un des fauteuils de Keen.

— Aucune importance.

— Je peux aller en refaire, commandant.

Il regarda la carte et lut lentement :

— De l’île du Cap-Breton à…

Il hésitait, remuait les lèvres en examinant le titre en caractères gras écrit en haut de la carte :

— … à la baie du Delaware.

Il se retourna, les yeux brillants.

— J’ai réussi à le lire, commandant ! Comme vous m’aviez dit que j’y arriverais !

Adam passa dans l’autre chambre, incapable de supporter l’excitation et le bonheur du garçon.

— Venez ici, John Whitmarsh.

Il ouvrit son coffre et en sortit un petit paquet.

— Savez-vous quel jour nous sommes aujourd’hui ?

Le garçon fit signe que oui.

— Nous sommes dimanche, commandant.

Adam lui tendit le paquet.

— Le 21 juillet. J’aurais du mal à l’oublier. C’est le jour où j’ai été confirmé comme capitaine de vaisseau – il essaya de sourire. C’est également, d’après le journal de bord de l’Anémone, le jour où vous avez été enrôlé. Votre anniversaire.

Le garçon le regardait toujours, et Adam lui dit un peu rudement :

— Tenez, prenez-le, il est à vous.

Le mousse ouvrit le paquet comme s’il était dangereux, et eut le souffle coupé en voyant un joli poignard dans son fourreau verni.

— C’est pour moi, commandant ?

— Oui. Vous allez le porter, vous avez treize ans aujourd’hui. Un cap difficile, pas vrai ?

John Whitmarsh gardait les yeux rivés sur lui.

— Il est à moi…

C’est tout ce qu’il réussit à dire.

Adam aperçut le premier lieutenant, William Dyer, qui attendait dans la coursive.

Dyer semblait être un officier digne de confiance et Urquhart lui en avait dit du bien, mais c’était aussi un grand bavard. La scène à laquelle il venait d’assister n’allait pas tarder à faire le tour du carré. Le commandant qui offrait un cadeau à un garçon de poste… Le commandant qui se laissait aller, somme toute.

Adam lui dit d’une voix tranquille :

— Oui, monsieur Dyer ?

Ils pouvaient penser ce qu’ils voulaient. Quand lui-même avait le même âge, il n’avait pas eu droit à beaucoup de gentillesse. Il se souvenait à peine de sa mère, si ce n’est qu’elle l’aimait. Maintenant encore, il ne comprenait pas comment elle avait pu se prostituer pour élever son fils, un fils dont le père ignorait jusqu’à l’existence.

Dyer répondit :

— Le maître pilote vous présente ses respects, commandant, il n’est pas content du cap actuel. Nous allons devoir changer d’amure pour tirer le prochain bord, et ce n’est pas facile avec la remorque qui nous tire dessus.

— C’est donc ce qu’en dit le pilote, c’est bien ça ? Et vous, qu’en pensez-vous ?

Dyer piqua un fard.

— J’ai jugé qu’il valait mieux que ça vienne de moi, commandant. Comme je remplace Mr Urquhart, j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous rendre compte de sa gêne moi-même.

Adam retourna à la carte.

— Vous avez bien fait.

Urquhart avait-il compris ce que son idée avait de fou ? Car ce serait pure folie.

— Je vous dois une réponse. Et à Mr Ritchie aussi.

Dyer sursauta quand Adam fit volte-face en criant :

— La claire-voie, John Whitmarsh ! Ouvrez la claire-voie !

Le gamin grimpa sur une chaise pour l’atteindre, sans lâcher son poignard tout neuf.

Adam entendit le vent gémir contre la coque, il l’imaginait plisser la surface de la mer, comme la brise dans un champ de blé. Il entendit une seconde fois le même cri : « Deux voiles dans le nordet ! »

— La voilà, votre réponse, monsieur Dyer, fit sobrement Adam. L’ennemi ne s’est pas endormi, il me semble – et, au jeune garçon : Allez me chercher mon sabre, je vous prie. Aujourd’hui, nous allons être tous deux présentables.

Et il éclata de rire, comme s’il s’agissait d’une plaisanterie au second degré.

— 21 juillet 1813 ! Encore une journée dont il faudra se souvenir !

Dyer s’exclama :

— L’ennemi, commandant ? Comment en être sûr ?

— Vous mettez ma parole en doute ?

— Mais, mais… s’ils ont l’intention de nous attaquer, ils auront l’avantage du vent. Ils vont avoir tous les atouts !

Il semblait incapable de s’arrêter :

— Sans cette remorque, nous aurions peut-être une chance…

Adam vit le mousse revenir avec son sabre.

— Chaque chose en son temps, monsieur Dyer. Dites à MrWarren de hisser le signal « Sept » pour que le Succès fasse l’aperçu. Ensuite, rassemblez l’équipage à l’arrière. Je veux lui parler.

Dyer demanda d’une toute petite voix :

— Nous allons nous battre, commandant ?

Adam contemplait la chambre, peut-être pour la dernière fois. Il se forçait à attendre, pris par le doute ou, peut-être pis, par une peur qu’il n’avait jamais éprouvée avant la perte de l’Anémone. Il fit enfin :

— Soyez-en sûr, monsieur Dyer, nous l’emporterons.

Mais Dyer était déjà parti en toute hâte.

Il leva les bras pour que le petit garçon puisse attacher son sabre, comme son maître d’hôtel, George Starr, avait l’habitude de le faire. Starr, pendu à cause de ce qu’il avait fait à bord de l’Anémone après qu’elle eut amené ses couleurs. Sans percevoir qu’il parlait à voix haute, il répéta : « Nous l’emporterons. »

Il leva les yeux une fois encore vers la claire-voie grande ouverte et sourit. C’était passé très près. Puis il sortit de la chambre, le mousse sur les talons.

 

L’aspirant Francis Lovie laissa retomber sa lunette et essuya d’un revers de main son visage en sueur.

— Pavillon Sept, commandant !

Urquhart le regarda d’un air très déterminé. C’était arrivé, comme il s’y attendait, mais cela lui faisait tout de même un choc. Le signal secret du commandant.

Il prit la lunette des mains de Lovie et la pointa sur l’autre bâtiment. Son bâtiment. À bord duquel des hommes lui avaient fait confiance, l’avaient admiré parfois, lorsqu’il s’interposait entre l’équipage de la Walkyrie et le tyran qui lui tenait lieu de commandant. Comme cela avait dû se passer sur La Faucheuse et à bord de tant d’autres vaisseaux. Les mots d’Adam Bolitho l’obsédaient encore, au milieu de ses doutes et de ses hésitations. C’est la raison pour laquelle je me méfie de ceux qui trahissent un tel privilège. Il voyait des silhouettes familières tressauter dans l’oculaire, des gens qu’il connaissait si bien : le lieutenant de vaisseau Dyer et, à côté de lui, un enseigne de vaisseau, Charles Gulliver, qui était encore aspirant peu de temps auparavant. Comme celui qui était venu partager avec lui le danger de cette mission. Lovie avait dix-sept ans, et Urquhart aimait à penser qu’il n’était pas pour rien dans ce qu’il était devenu. Lovie était prêt à subir son examen d’enseigne.

Il fit lentement pivoter son instrument, des embruns tièdes lui fouettaient le visage et la chevelure. Ritchie était là et écoutait attentivement, avec ses aides à côté de lui, Barlow, le lieutenant fusilier nouvellement embarqué, le visage aussi rubicond que sa tunique dans cette lumière de soleil brumeux. Un peu plus loin, massés, ses marins, qu’il connaissait et en qui il avait confiance. D’autres aussi, dont il se disait qu’ils ne changeraient jamais ; des têtes dures pour qui autorité rimait avec ennemi. Mais se battre ? Oui, ils le feraient, et bien.

Puis il y avait le commandant qui lui tournait le dos, les épaules trempées, mais il n’en avait cure. Il paraissait ne rien éprouver d’autre que son instinct, lequel ne lui avait jamais fait défaut.

Lovie lui demanda :

— Qu’est-ce que le commandant Bolitho va leur dire, commandant ?

— Ce que je vais vous dire à vous, monsieur Lovie, lui répondit Urquhart sans le regarder.

Lovie le voyait de profil. Il n’avait pas connu d’autre second qu’Urquhart et il espérait en secret qu’il serait aussi doué que lui, si on lui en donnait l’occasion. Il reprit :

— Cette mèche que vous avez fait disposer, commandant. Vous savez tout depuis le début.

Urquhart regardait toujours dans sa lunette. Les hommes poussaient des vivats : sans ce vent, il les aurait entendus.

— Dire que j’ai deviné serait plus juste. J’ai jugé que c’était le dernier recours pour les empêcher de reprendre cette prise.

Il lâcha sa lunette et le regarda avec la plus grande attention.

— Et puis j’ai compris. Le commandant Bolitho savait, lui, et il avait déjà décidé de ce qu’il ferait.

Le front de Lovie se plissa.

— Mais ils sont deux, commandant. À supposer que…

Urquhart lui sourit.

— Oui, à supposer. Expression qu’on ne lit jamais dans les dépêches.

Il se rappelait Bolitho lorsqu’il était arrivé à bord, et ce qu’il avait lu sur ce visage : un air réservé qui ne laissait guère paraître ce qu’avait dû lui coûter de perdre son bâtiment, de se retrouver prisonnier de guerre, de subir le rituel d’un conseil de guerre. Lorsque, très rarement, il se laissait aller, comme la veille au cours du repas, Urquhart voyait apparaître l’homme derrière le masque. D’une certaine façon, il était toujours prisonnier. De quelque chose ou de quelqu’un.

— Restez aux aguets et surveillez la remorque, reprit Urquhart.

Il était sur le point d’ajouter une pointe d’humour mais se ravisa et se dirigea vers la descente. Le fait de savoir lui faisait l’effet d’avoir reçu un coup sur la tête – il ne pourrait ni oublier ni essayer de ne pas prendre cela en compte. Lovie n’avait pas bougé de place, peut-être rêvait-il au jour où lui aussi serait officier.

Urquhart descendit l’échelle et resta quelques secondes dans l’obscurité pour se refaire une contenance. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait, il en avait entendu d’autres, plus expérimentés que lui, l’évoquer. Mais en son for intérieur, il savait que Lovie ne verrait pas la fin de ce jour.

Un quartier-maître canonnier l’observait, tenant à la main une mèche lente qui se tortillait comme un serpent.

— Tout est paré, Jago ?

C’était histoire de dire quelque chose. Jago était un marin aguerri, raison pour laquelle il l’avait choisi. Trevenen l’avait fait fouetter pour une peccadille et Urquhart avait eu des mots avec son commandant à cause de lui. Cette algarade lui avait coûté cher, il le savait maintenant. Même Dawes ne l’avait jamais proposé pour une promotion. Mais ce qu’il avait fait lui avait valu la confiance de Jago, et même quelque chose de plus profond. Cela dit, il emporterait les cicatrices de ce châtiment injuste dans la tombe.

Jago lui sourit de toutes ses dents.

— Vous n’avez plus qu’à donner l’ordre, commandant !

Il leva les yeux vers le haut de la descente : on apercevait un carré de ciel bleu.

— Nous allons affaler la drome le long du bord. Pour le reste, à vous de jouer.

Puis il alla faire un tour dans le bord, là où tant d’hommes avaient vécu et travaillé, espéré peut-être. Des hommes qui parlaient la même langue qu’eux, mais dont l’héritage commun était devenu comme un récif infranchissable entre deux pays en guerre.

Il écoutait les membrures craquer, le clic-clac d’une pompe.

Tout était presque terminé. Ce bâtiment était mort.

 

Ritchie annonça :

— En route sud quart sudet, commandant.

Adam fit quelques pas jusqu’à la lisse avant de revenir en arrière. Tout était étrangement calme et paisible après que les tambours eurent rappelé marins et fusiliers aux postes de combat. Il y avait eu d’abord de l’énervement, puis les vivats. C’était aussi inattendu que bouleversant. La plupart de ces hommes étaient pour lui des inconnus – essentiellement parce qu’il l’avait voulu ainsi –, mais leurs hourras étaient contagieux. Même Ritchie s’était oublié au point d’aller serrer la main de George Minchin, le chirurgien, qui avait fait une de ses rares apparitions sur le pont pour écouter le discours du commandant. Minchin était un boucher de la vieille école, mais en dépit de sa brutalité et de son penchant pour le rhum, il avait sauvé plus de vies qu’il n’en avait perdu et s’était même attiré les compliments de Sir Piers Bachford à bord de l’Hypérion.

Le lieutenant de vaisseau Dyer lui dit :

— L’ennemi est toujours dans le même relèvement, commandant.

Adam les avait brièvement aperçues : deux frégates qu’il connaissait déjà ou deux inconnues. Peut-être cela n’avait-il aucune importance. Pourtant, il savait bien que ce n’était pas vrai.

Il se tourna vers l’arrière, imaginant les deux bâtiments comme il les avait vus la dernière fois. Leurs commandants devaient avoir noté chaque changement de route de la Walkyrie, si infime fût-il. Ils devaient s’attendre à ce qu’il largue la remorque, sauf s’il se résolvait à perdre son vaisseau sans combattre.

Et à supposer qu’ils éventent sa ruse ? Il risquait d’y perdre Urquhart et son équipe de prise, ou bien encore d’être contraint de les abandonner, ne serait-ce que pour en réchapper lui-même.

Fuir ? Il appela d’un geste l’aspirant des signaux.

— Monsieur Warren ! Grimpez là-haut avec une lunette et dites-moi ce que vous voyez.

Il se retourna pour voir de Courcey qui se dirigeait d’un pas raide vers le bord sous le vent, comme s’il allait inspecter les fusiliers occupés à grimper dans la hune avec des munitions pour le pierrier. Il s’était débarrassé de son épaulette et les aiguillettes dorées indiquaient qu’il était l’aide de camp d’un amiral. Peut-être voulait-il offrir une cible moins tentante si l’ennemi les pressait de trop près.

Adam entendit l’aspirant crier :

— Le bâtiment de queue arbore une marque, commandant !

Il respira profondément. Un commodore, comme Nathan Beer. Mais il chassa immédiatement cette pensée. Il devait absolument l’oublier. Montrer de l’admiration pour son ennemi n’était pas seulement stupide, c’était dangereux. S’il s’agissait de l’homme sur le compte duquel son oncle avait des soupçons, il n’y avait pas place pour l’admiration. Sans parler de la haine personnelle qu’il éprouvait – il avait essayé de se venger de Sir Richard Bolitho en usant de tous les moyens imaginables et Adam était pratiquement convaincu que c’était ce même individu qui avait voulu l’utiliser comme appât pour attirer son oncle. Il songeait souvent à cette pièce nue, mais d’une beauté étrange, dans laquelle il avait été interrogé par ce capitaine de vaisseau américain, Brice. Peut-être ledit Brice se souviendrait-il de leur rencontre lorsqu’il apprendrait la mort de son fils.

La haine expliquait tout, s’il s’agissait bien de Rory Aherne, lui dont le père avait été pendu pour trahison en Irlande. Un incident oublié de longue date, avec tout le désordre et toutes les souffrances engendrées par ces années de guerre, mais lui s’en souvenait encore. Peut-être cela avait-il donné un but à cet Aherne et lui avait-il permis d’accéder à une certaine notoriété. Un renégat, un corsaire qui avait trouvé sa place dans cette marine américaine encore jeune, mais très agressive. On chanterait peut-être ses louanges pendant un certain temps, mais on finissait toujours par se méfier des renégats. Par exemple, John Paul Jones, cet Écossais qui avait gagné la gloire et le respect en combattant contre les Anglais. Pourtant, jamais on ne lui avait offert d’autre commandement, si célèbre fut-il.

Son front se plissa. Comme mon père…

Il y eut une explosion sourde qui roula en écho tout autour du bâtiment, comme s’il était confiné dans une grotte. Le boulet unique ricocha par le travers du Succès avant de s’enfoncer dans une gerbe d’embruns.

Quelqu’un annonça :

— Pièce de chasse.

Et Dyer compléta :

— Coup de réglage.

Adam sortit sa montre et souleva le couvercle. Il se rappelait la boutique obscure, le tic-tac des pendules, le concert argentin des carillons. Il évita de regarder la sirène, essayant de ne pas songer à elle, de ne pas entendre sa voix. Pas maintenant. Elle comprendrait sûrement, elle lui pardonnerait. Il ordonna :

— Notez ceci dans le journal de bord, monsieur Ritchie. Le jour et l’heure. Quant à la position, j’ai peur que vous ne soyez le seul à la connaître !

Comme Adam l’avait prévu, Ritchie lui sourit largement. Était-il donc si facile de faire sourire les gens, même aux portes de la mort ?

Il referma sa montre avec un claquement et la remit dans sa poche.

— Le bâtiment de tête change d’amure, commandant ! J’ai l’impression qu’il essaie de se rapprocher de la prise !

L’officier semblait surpris. Déconcerté. Adam avait tenté de lui expliquer son idée, avant que l’on évacue la batterie basse pour rassembler l’équipage à l’arrière. Les deux frégates américaines avaient tiré des bords toute la nuit en luttant contre le vent. Toute la nuit : déterminées, certaines de prendre l’avantage du vent, si bien que la Walkyrie aurait le choix entre faire tête et accepter un combat désespéré, ou devenir gibier avant d’être défaite par des tirs à longue portée ou contrainte de se jeter à la côte.

Quand les hommes avaient poussé des hourras, ce n’était pas le sens du devoir qui les avait animés : ils avaient fait et vu tant de choses qu’ils n’avaient plus rien à prouver. Peut-être l’avaient-ils acclamé parce qu’il leur avait expliqué. Pour une fois, ils savaient ce qu’ils allaient faire, et pour quelles raisons.

Il se dirigea vers les haubans et grimpa dans les enfléchures. Il avait les jambes trempées d’embruns en atteignant cet endroit d’où il pouvait voir ce qui se passait derrière le bâtiment d’Urquhart.

Elle était là. Une grosse frégate de trente-huit canons, au bas mot, de construction française comme le Succès. Avant que la lentille se couvre de buée, il aperçut des silhouettes qui se massaient le long d’un passavant. Le Succès était toujours à la remorque, ses pièces rentrées et saisies. Tout Halifax en avait sans doute entendu parler et il y avait encore bien d’autres oreilles qui traînaient.

Il redescendit sur le pont.

— Hissez le signal, monsieur Warren. Larguez tout !

Il voyait les vergues hautes de la frégate ennemie se mêler à celles du Succès, mais savait bien qu’elles n’étaient pas encore proches, encore moins bord à bord. Il y eut quelques coups de feu : des tireurs d’élite postés dans les hunes et qui évaluaient la distance, essayant de trouver leur cible comme des chiens de meute se jettent sur un cerf blessé.

Soudain, le Succès grossit à la vue et partit à l’embardée. La remorque venait de se rompre et fouettait. Les quelques voiles qu’il portait battaient dans le plus grand désordre.

Adam serra les poings contre ses cuisses. Allez, allez. Ils mettaient trop de temps. Les Américains allaient leur tomber dessus, c’était affaire de minutes, mais ils pouvaient encore virer s’ils soupçonnaient quelque chose.

Warren lui dit d’une voix rauque :

— Un canot qui pousse, commandant !

Adam fit signe qu’il avait entendu. Il avait les larmes aux yeux, mais ne cillait pas. Le canot d’Urquhart devait être le suivant, et ainsi de suite. Ou alors aucun.

Les tirs reprirent, plus nourris. Il aperçut un éclat de soleil sur de l’acier, les Américains se préparaient à monter à l’abordage de la prise à la dérive. Il essaya d’oublier tout ce qui lui passait par la tête. Il cria :

— Paré à lofer, monsieur Ritchie ! Monsieur Monteith, mettez-moi du monde aux bras !

Les chefs de pièce se tenaient accroupis, parés, attendant l’ordre.

Il sentit plus qu’il ne vit de Courcey qui se tenait à la lisse de dunette. Il parlait tout seul, son débit était précipité, comme s’il priait. L’ennemi avait brassé ses vergues dans l’axe pour amortir le choc quand les deux coques entreraient en collision.

Le canot s’éloignait des deux bâtiments, la peur leur donnait de l’énergie et du cœur au ventre. Quelqu’un annonça lentement :

— Le second a débarqué trop tard.

Adam hurla presque :

— Taisez-vous donc, bon dieu !

Il reconnaissait à peine sa propre voix.

C’est Ritchie qui s’en rendit compte le premier : après tant d’années passées à la mer, son œil s’était fait au soleil et aux étoiles, au vent et aux courants. C’était un homme qui, même sans sextant, aurait été capable de rentrer à Plymouth.

— De la fumée, commandant !

Il se tourna vers ses aides.

— Putain, il a réussi !

L’explosion leva un souffle qui ressemblait à un vent violent, si monstrueuse que, en dépit des quelques milliers de brasses d’eau qu’ils avaient sous les pieds, Adam eut l’impression qu’ils avaient touché un rocher.

Puis des flammes commencèrent à s’échapper des panneaux et par les trous béants qui, pareils à des cratères, s’ouvraient dans le pont. Le vent qui venait les attiser leur fit atteindre les voiles transformées en lambeaux noircis, tout le gréement crachait des étincelles. Le feu s’étendit rapidement au bâtiment américain qui se trouvait à couple et avait lancé des grappins, à l’endroit même où, quelques secondes plus tôt, des silhouettes en liesse poussaient des cris de joie en agitant leurs armes.

Adam leva la main.

— Voilà pour toi, George Starr, et pour toi, John Bankart. Qu’ils n’oublient jamais ça !

— Commandant, annonça Dyer, voilà le second canot !

Il était encore sous le choc après ce spectacle dantesque.

Ritchie l’appela :

— Parés, commandant !

Adam leva sa lunette.

— Annulez, monsieur Ritchie.

Il avait vu son second à la barre, les derniers marins qui l’accompagnaient allongés sur les bancs. Ils avaient certainement les yeux fixés sur les flammes qui avaient manqué de les consumer. L’aspirant, Lovie, était allongé près d’Urquhart. Il regardait sans les voir le ciel et la fumée.

Adam dit à ceux qui se trouvaient près de lui :

— Nous allons commencer par les récupérer, nous avons tout le temps. Je ne veux pas risquer de perdre John Urquhart.

Les deux frégates s’étaient embrasées, penchées l’une contre l’autre comme dans une dernière étreinte. La cale du Succès avait été soufflée par la première explosion et, agrippé à son assaillant, il entraînait l’américain avec lui par le fond.

Quelques hommes se débattaient dans l’eau ; d’autres partaient à la dérive, déjà morts ou à l’agonie. Adam vit du coin de l’œil le petit canot d’Urquhart qui s’éloignait du flanc de la Walkyrie. Il était vide. Il ne restait plus dans la chambre que la vareuse de l’aspirant, avec ses galons blancs, comme pour souligner le prix du courage.

Il se raidit, essayant d’oublier le bruit des vaisseaux qui se disloquaient. Les affûts désemparés glissaient dans les flammes et la fumée suffocante. Il y avait encore quelques malheureux qui titubaient, et s’écroulaient en appelant à l’aide alors qu’il n’y avait plus personne pour leur répondre.

L’aspirant Warren cria :

— L’autre vaisseau s’éloigne, commandant !

Adam se tourna vers lui, des larmes lui roulaient sur les joues. Toute cette horreur, et lui qui ne pensait qu’à une seule chose, à Lovie, son ami.

Ritchie s’éclaircit la gorge.

— On lui donne la chasse, commandant ?

Adam regardait tous ces visages tournés vers lui.

— Non, je ne crois pas, monsieur Ritchie. Brassez le hunier à contre, le temps que nous récupérions le second canot.

Il ne distinguait plus la frégate américaine et la marque de commodore. Elle était noyée dans la fumée, ou peut-être n’y voyait-il plus clair.

— Deux points contre un. Je pense que nous pouvons en rester là pour le moment.

Il aperçut Urquhart qui s’avançait lentement dans sa direction. Deux servants de pièces se levèrent pour lui toucher le bras pendant qu’il passait. Il ne s’arrêta qu’une fois pour dire un mot au domestique d’Adam, Whitmarsh, qui, désobéissant aux ordres, n’avait pas quitté le pont de toute l’affaire. Lui aussi, il se souviendrait de ce jour. Peut-être qu’il s’agissait d’une vengeance.

Adam tendit la main.

— Je suis soulagé de voir que vous n’avez pas trop traîné à bord.

Urquhart avait l’air grave.

— C’était juste.

Sa poignée de main était ferme, chaleureuse.

— J’ai peur d’avoir perdu Mr Lovie. Je l’aimais énormément.

Adam songeait à l’un de ses aspirants, mort cet autre jour.

Avoir des amis ne servait de rien, c’était même destructeur. Il ne fallait pas encourager les autres à avoir des amitiés qui se termineraient dans la mort.

Lorsqu’il releva les yeux, le Succès et l’américain avaient disparu. On ne voyait plus qu’un gros nuage de fumée, semblable au panache d’un volcan – comme si c’était l’océan qui brûlait dans les profondeurs, avec des débris d’épaves, des hommes et des morceaux d’hommes.

Il passa de l’autre bord en se demandant comment il ne l’avait pas compris plus tôt. Haïr ne suffisait pas.

 

La croix de Saint-Georges
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